Et voilà qu'enfin, vingt-quatre ans plus tard, Aladdin débarque sur le West End, après un passage remarqué sur Broadway, et trouve sa place dans le joyau Art-Déco qu'est le Prince Edward Theatre.
Dès les premières notes, on comprend vite que, niveau musique, on sera entre de bonnes mains: à travers deux Ouvertures (une pour chaque acte) très bien pensées, jouées dans un style music-hall swingué, les familières chansons d'Alan Menken commencent déjà à nous mettre le sourire, soutenues par un orchestre bien fourni.
S'en suit un petit récapitulatif, où l'on nous précise que la ville d'Agrabah est belle et bien fictive (une référence à un sondage qui nous informait que 30% des républicains US soutenait son bombardement…) et, en deux temps, trois mouvements, nous sommes au coeur du Souk, où l'on retrouve notre héros, orphelin, réduit à voler pour survivre.
Dans le rôle titre, Dean John Wilson est très à l'aise, un peu trop peu être. Il se repose beaucoup sur son charme nonchalant, et manque parfois d'énergie. Il possède néanmoins une très belle voix et ne se prive pas de nous le démontrer, notamment dans la nouvelle chanson Proud Of Your Boy.
Il zigue-zague à travers les somptueux décors conçus par Bob Crowley, qui tout au long du spectacle, nous apportent la plupart de la fameuse Magie Disney© qui émane de cette comédie musicale. Crowley s'inspire de plusieurs cultures arabes et asiatiques pour créer un pot-pourri inspiré et recherché. On y voit une forte influence de l'illustration Ottomane, de l'architecture Maghrébine, avec des touches Indiennes de ça et là. Le méga-budget derrière ce spectacle se révèle à travers la variété des décors, tous plus impressionnant les uns que les autres, qui défilent sous nos yeux, augmentés de trappes, escaliers déroulants et accessoires en tout genre. Sous un éclairage précis, pastel et discret, c'est une véritable réussite.
Ce Génie relève plus d'un pote de soirée idéal
Et c'est dans le décor de la grotte magique, qui arrive à être tour à tour mystérieuse, éblouissante puis glauque, que l'on va faire connaissance une bonne fois pour toute avec celui qui va se révéler être notre principale source de joie dans ce spectacle: Trevor Dion Nicholas dans le rôle du Génie. Vraiment pas facile de passer après Robin Williams. C'est pourquoi les auteurs du spectacles ont décidé de le voir autrement: on garde le coté fou, fantaisiste du génie, mais on l'adapte au monde d'aujourd'hui. Ce Génie relève plus d'un pote de soirée idéal, avec ses manières exagérées et impertinentes, son humour piquant et sa joie de vivre sans limite, plutôt qu'un Jinn des milles et unes nuits.
Et la production donne les moyens aux génie de se faire aimer: sa chanson Friend Like Me est le meilleur numéro du spectacle, et vient se placer dans le classement des meilleurs numéros de comédie musicale, tout spectacles confondus. Ce numéro seul vaudrait le prix d'entrée. À chaque fois qu'on pense qu'ils ne peuvent pas aller plus loin dans les moyens et dans l'opulence, ils en rajoutent une couche. Telles des poupées russes de show-business, chaque couche nous révèle une nouvelle surprise. Et quand le numéro s'achève enfin, après une véritable montagne russe de styles, ambiances et références (West Side Story, A Chorus Line mais aussi Danse Avec Les Stars et Le Juste Prix), le public ne peut s'empêcher de se lever d'un bond. Ce numéro étant placé dans le premier acte, la compagnie n'arrivera pas à rattraper le moment, et malgré une séquence de tapis volant très impressionnante, le reste nous laisse un peu sur notre faim.
Car il se dégage de ce spectacle un coté très Guignol: tout est téléphoné, sans aucun danger. Et malgré un très bon ensemble qui brille à travers de complexes harmonies et une chorégraphie variée, on ne peut s'empêcher de regretter le manque total de risques pour nos héros sur scène. On devine très bien qu'ils s'en sortiront les doigts dans le nez, et on ne s'inquiète pas une seconde pour eux. Malgré le fait que pendant le deuxième acte, Disney joue beaucoup la carte du second degré, se moquant gentiment des clichés des contes de fées, on ne peut s'empêcher de penser qu'ils ont utilisé ces clichés à la pelle lors du premier acte. L'ajout de répliques féministes pour Jasmine est bienvenu mais semble gâché par le fait que la princesse doit au final quand même se faire délivrer par le héros et que le jeu de son interprète, Jade Ewen (du girl band Sugarbabes), malgré qu'elle soit très bonne danseuse et possède une voix convenable, tombe complètement à plat.
Le rythme est toutefois soutenu par les nouveaux personnages tels que Omar, Babkak et Kassim, qui injectent une bonne dose de Slapstick rafraîchissant, mais, par dessus tout, c'est Le Génie qui mène la danse. Trevor Dion Nicholas dégage une énergie contagieuse, à travers ses répliques, ses expressions et son habileté à casser le quatrième mur pour pouvoir nous adresser directement la parole: c'est le petit préféré du public et il le sait bien. il s'en donne à coeur joie, et, là ou le reste des acteurs semblent un peu routiniers, il nous montre ce que c'est d'être investi et présent à chaque moment, à l'américaine. Une véritable leçon de Showmanship.
Idéal pour les familles, très gentillet, très lisse et très impressionnant à regarder
Au final, Aladdin est exactement ce qu'on attends d'un spectacle Disney: idéal pour les familles, très gentillet, très lisse et très impressionnant à regarder. C'est du grand spectacle, et la performance de Trevor Dion Nicholas dans le rôle du Génie est de celles que l'on garde en mémoire pour un bon bout de temps. Aucun risque pris, mais aucune inquiétude à avoir.