Menu
Léo Elso

HALF A SIXPENCE ne fait pas les choses à moitié

Half a Sixpence Ce remake à l'anglaise se concentre sur les joies de la comédie musicale pure et simple et l'intarissable énergie de sa distribution pour nous mettre le sourire jusque là.

Il y a peu, on déclarait la comédie musicale britannique en crise- peu de nouveaux spectacles sur le West End, qui ne réussissaient pas à trouver leur public et faire compétition face au transferts depuis Broadway ou aux mammouths de la comédie musicale installés depuis plus de vingt ans. Mais, depuis deux ou trois ans les rouages se sont mis en marche et les comédies musicales "bien de chez eux" ont commencé à gagner du terrain- et à en voir l'engouement du public pour Half A Sixpence, la machine est bel et bien lancée.

Car là où Half A Sixpence brille, c'est dans son choix d'utiliser la tradition centenaire de la comédie musicale à l'anglaise comme base pour les talents d'aujourd'hui: La première version de cette comédie musicale date de 1963, et fut un des dernier succès britanniques sur Broadway avant le début des années 80.

Ici, l'über-producteur Cameron Mackintosh réunit l'équipe de Mary Poppins pour redonner une nouvelle jeunesse à cette comédie musicale oubliée - confiant les nouvelles chansons au duo Stiles & Drewe.

Half A Sixpence est située au début du siècle dernier et est basée sur un roman d'HG Wells, qui raconte l'histoire d'Arthur Kipps, un jeune garçon pauvre qui hérite d'une fortune immense et essaie tant bien que mal à se conformer à sa nouvelle vie. En chemin il devra choisir entre son amour d'enfance et une nouvelle flamme issue de la Haute Société.

Pour ce qui est de l'histoire, ça ne va pas chercher trop loin- une intrigue simpliste dans laquelle on rencontre une foule de personnages sur le chemin de son héros- certains rebondissement reposent sur des "Deus Ex Machina" quasi obscènes, et on comprend très vite que ce n'est pas par son livret (revu par Julian Fellowes, créateur de Downton Abbey) qu'Half A Sixpence va nous convaincre: certaines blagues sont invariablement coincées dans le passé et les personnages ne sont pas très approfondis: les riches dédaigneux, les pauvres rêveurs aux grands coeurs, on a déjà vu ça mille fois. Les personnages féminins principaux attendent patiemment de se faire sauver par un homme, ou sont vaines, et quand on voit apparaitre une suffragette, elle n'a aucune réplique- ça sent bel et bien le renfermé dans le livret.

Malgré tout l'innocence totale apporte un charme hors du temps (d'autres diront démodé?) qui va servir de tremplin à tout le reste de la production et signale très clairement au public qu'il n'aura pas trop à cogiter durant ces deux heures et demie qui s'avéreront être un déluge de talent et de joie.

Car le livret ne fait pas tout, bien au contraire, il a peu d'importance face au reste de ce qui se passe sur scène: les chansons, les orchestrations, les décors, les costumes et surtout la distribution sont le véritable coeur de cette production.

Le décor, sorte de kiosque à musique modulable, fait de cercles croisés et concentriques est une constante surprise, et fait belle utilisation de projections à l'aquarelle lors des transitions- il illustre très bien le rythme effréné du spectacle, permettant de passer d'un moment et d'un endroit à l'autre à toute vitesse, et de manière extrêmement fluide, et quand, lors de certains numéros d'ensemble, ce sont les acteurs qui se font transporter autour de la scène, on a l'impression d'un carrousel, sorte de It's A Small World grandeur nature, un effet très impressionnant et satisfaisant que le chorégraphe Andrew Wright utilise avec merveille et intelligence.

Ceux qui font aussi preuve d'intelligence, c'est bien le duo de compositeur et parolier Stiles & Drewe, en composant des nouvelles chansons qui se camouflent parfaitement parmi les originales de 1963- impossible de faire la différence entre le neuf et le vieux, et ces nouveaux numéros s'avèrent parmi les meilleurs du spectacles, tels que "Pick Out A Simple Tune", "Look Alive" et le jouissif "Flash Bang Wallop"

Half A Sixpence fut à la base crée pour son acteur principal, Tommy Steele: En 1963, il chantait douze des quinze chansons présentes- dans la version moderne, les chansons ont étés arrangées pour s'appuyer sur la véritable force du spectacle: son ensemble. Je vous défie de trouver un ensemble avec plus d'énergie, de joie et de talent que celui d'Half A Sixpence. Ils virevoltent et chantent à plein poumons, apparement dépourvus de notion de fatigue ou d'essoufflement, et lorsque que l'on croit avoir tout vu, ils ont toujours une autre surprise en réserve. On est véritablement scotché sur notre siège lorsque qu'ils se retrouvent tous ensemble sur scène, écrasés sous la joie désarmante qu'ils dégagent. Le public en redemande et j'ai rarement vu une foule aussi convaincue et enthousiaste sur le West End que le public d'Half A Sixpence.

Certains individus se dégagent du lot, tels que Jane How dans le rôle de Lady Punnet et Gerard Carey, très bonne doublure du rôle de Chitterlow ce soir là. Mais c'est bien sûr Charlie Stemp, dans le rôle principal, qui décroche la chandelle: inconnu du bataillon, nouveau venu, ce jeune s'est vu confier par l'équipe artistique du spectacle une tâche immense, celle de le porter sur ses épaules. Et de cette tâche il s'en acquitte avec joie. Doté d'un charme fou, d'un niveau de danse hors du commun, c'est une véritable révélation. On ne peux s'empêcher en le regardant de penser qu'on assiste ici à la naissance d'une nouvelle star à la Fred Astaire, ou Gene Kelly- il navigue à travers le spectacle avec une aisance rare et quand il est soutenu par l'ensemble, il devient puissant leader d'une incomparable troupe. Son jeu d'acteur est encore un peu vert, mais vu son âge on sait qu'il aura tout le temps de le développer lors de sa carrière, qui s'annonce exceptionnelle.

Ce spectacle est un véritable testament du savoir faire britannique dans la comédie musicale. Il démontre du talent et du niveau des créatifs et acteurs locaux, et vient se loger dans le palmarès des meilleurs spectacles sur le West End en ce moment. C'est bien simple, il m'a rapellé la joie et l'admiration sans fin que j'ai ressenti lorsque j'ai vu ma première comédie musicale Londonienne, il y a plus d'une douzaine d'années.

Lors d'une visite à Londres, courez voir ce spectacle. Aux spectacles qui se jouent dans le monde entier préférez ce petit gemme typiquement britannique, vous ne le regretterez pas.

Half a Sixpence